200e anniversaire des Missionnaires Oblats vu du berceau de la Congrégation

La lettre 9 octobre 1815 du Fondateur au père Tempier reprend trois piliers importants pour ce bicentenaire : se mettre au pied du crucifix pour n’écouter que Dieu, se pénétrer de la situation des gens et donner l’exemple d’une véritable vie communautaire avec la volonté et le courage de marcher sur la trace des Apôtres.

Le premier pilier est l’appel de Jésus-Christ

Un appel entendu par Eugène de Mazenod, par ces premiers compagnons, par ses fils les Missionnaires Oblats et par les membres de la famille Mazenodienne.
L’appel de Jésus-Christ entendu par Eugène de Mazenod lui révèle sa dignité.
L’archevêque d’Aix et Arles, lors de la messe du jubilé le 24 janvier disait : « que saint Eugène, derrière son air supérieur, son désir de plaire aux yeux du monde, cachait une pauvreté, une blessure ». Et il ajoutait : « parce qu’il était pauvre lui-même, il a pu accueillir l’Evangile et vivre une vraie rencontre du Christ. Parce qu’il était pauvre, le Christ est allé à lui. Ce fut pour saint Eugène de Mazenod une nouvelle évangélisation… » .
A partir de cette rencontre, sa conversion l’amène à partager l’amour reçu de Jésus-Christ aux autres. Le document ‘Identité et Mission du religieux Frère dans l’Eglise’ parle « du don que nous recevons au don que nous partageons… Ce don reçu et partagé sera aussi communiqué dans l’accomplissement de la mission » .
Les premiers compagnons du Fondateur partageaient également l’amour de Jésus-Christ dans leur ministère de prêtre. Le père Maunier avait déjà témoigné l’amour de Dieu dans le sacrement du mariage. Malheureusement, sa fille et sa femme décédèrent à deux mois d’intervalle. Après quelques années, il entendit l’appel à devenir prêtres, malgré les aléas de la Révolution. Comme le père Mie, tous deux ont eu ce courage héroïque, ils furent témoins de Jésus-Christ au risque de leur vie, ils furent ordonnés en cachette à Marseille en 1797.

Le deuxième pilier est de répondre aux besoins de ceux qui nous entourent

Eugène de Mazenod a perçu l’état d’abandon des habitants de la Provence et par la suite les besoins du monde, ainsi nous disons régulièrement qu’Eugène avait : « un cœur grand comme le monde ».
Les premiers missionnaires à rejoindre saint Eugène s’étaient aussi laissés toucher par les besoins des gens. Ils avaient à cœur d’être des missionnaires zélés !
Le père Deblieu débordait du zèle missionnaire, il participa quasi à toutes les missions jusqu’en 1823. Après avoir regagné son diocèse d’origine, il dirigea une équipe de missionnaires à Fréjus et termina son ministère à La-Seyne-sur-Mer toujours dans cet enthousiasme de communiquer sa foi vive aux fidèles de sa paroisse.
Le père Mie se laissait toucher par les pauvres mendiants, il était un prédicateur populaire qui se mettait à la portée de tous pour parler au cœur des gens.

Le troisième pilier est la vie religieuse en communauté

Lors du 100e anniversaire de la Congrégation, Mgr Augustin Dontenwill, 6ème Supérieur général (1908-1931) disait : « Nous affirmons, au nom de Dieu, de son Vicaire sur la terre et de notre vénéré Fondateur, que dans notre Congrégation, nous sommes religieux avant d’être missionnaires, religieux pour être des missionnaires surnaturels, religieux pour persévérer jusqu’à la mort dans les fatigues de l’apostolat. Le jour où nous cesserions d’être religieux, nous porterions encore le titre de missionnaires, nous remplirions des fonctions apostoliques, nous pourrions même être des convertisseurs d’âmes, mais nous cesserions néanmoins d’être dans notre vocation… Notre vénéré Fondateur voulu que, dans sa jeune société de missionnaires, la vie religieuse précédât, préparât et informât la vie apostolique » iii.
Si le Fondateur ne parle pas de vœu dans sa première lettre au père Tempier, il désirait une vie commune qui n’ait qu’un cœur et qu’une âme, une communauté qui travaille à sa propre sanctification et « qui ait la volonté et le courage de marcher sur les traces des apôtres » iv.
Marcher sur les traces des Apôtres comporte pour le Missionnaire Oblat, la vie en communauté : «la communauté des Apôtres avec Jésus est le modèle de leur vie ; il avait réuni les Douze autour de lui pour en faire ses compagnons et ses envoyés » v.
Le père Jetté écrivait en 1992 : « Eugène de Mazenod l’a ressenti dès le début de sa petite Société : il a établi la vie commune avant même de demander la vie religieuse. Il la jugeait essentielle pour deux raisons : comme soutien et stimulant dans notre effort vers la sainteté, et comme moyen de stabilité et d’efficacité dans notre action missionnaire. Il n’avait pas en vue de grouper des francs-tireurs apostoliques ; il voulait constituer un véritable corps – un « corps d’élite » – comme il disait. (Lettre à Tempier, 22 août 1817 ; dans Lettres, t. 6, p. 38), une communauté de prêtres et de Frères qui soient capables de vivre ensemble sous un même règlement et de travailler ensemble dans la vigne du Seigneur. » vi

Le père Tempier est le premier à entrer dans la perception que le Fondateur avait non seulement d’être missionnaire, mais d’être un religieux missionnaire. Le Fondateur comptait sur le père Tempier : «… Je voudrais, au contraire, que vous fussiez des premiers à entrer dans la maison, qui est toute prête pour recevoir les missionnaires. Ce premier pas est, à mon avis, de la plus haute importance. A cette réunion nous arrêterons le règlement que nous aurons à suivre […] Il faudrait commencer ensemble l’année 1816. Nous commencerons par travailler sur nous-mêmes ; après, nous réglerons le genre de vie que nous adopterons pour la ville et pour les missions ; enfin nous deviendrons des saints » vii.
Le père Fabre écrira dans la notice nécrologique du P. Tempier : « L’appel de notre fondateur méritait d’être entendu du P. Tempier et le P. Tempier méritait d’être appelé par notre fondateur. Ces deux âmes étaient faites pour s’entendre, s’unir, se compléter et concourir dans la mesure de leur vocation respective à la réalisation de l’œuvre de Dieu » viii.
Ainsi, je crois que nous pouvons faire nôtres les paroles de l’Archevêque d’Aix, lors du cinquantième anniversaire du sacerdoce du P. Tempier, en 1864 : « Tant que la Société des Oblats de Marie Immaculée sera dirigée par l’esprit de foi, de dévouement et de zèle qui anima votre premier Père et qui anime toujours dans sa verte vieillesse celui qu’il pouvait appeler son fils non moins que son frère, son assistant et son ami ; tant que, marchant sur les traces des Mazenod et des Tempier, vous pourrez dire : Societas nostra cum patre et filio ejus (que notre Société soit avec Dieu le Père et avec son Fils), l’Église de la terre et l’Église du ciel auront à se réjouir » ix.

En partant de ces trois piliers, je me dis : le 200e anniversaire des Missionnaires Oblats c’est avant tout une communauté. Le Père général disait lors du bicentenaire : « Le projet de vie communautaire pour le travail missionnaire était au cœur de notre fondation comme Missionnaires de Provence. De Mazenod et ses compagnons ont intentionnellement choisi de former une communauté engagée à une forte vie spirituelle… » x.
Si nous regardons l’histoire de la fondation de la Société des Missionnaires de Provence, nous avons une première date : l’annonce de la fondation fut faite le 2 octobre 1815. Or ce n’est que le 25 janvier 1816 que les abbés de Mazenod, Tempier et certainement Icard débutèrent une vie commune dans l’ancien monastère du Carmel d’Aix. Le mois suivant, les abbés Deblieu, Mie et Maunier les rejoignirent. De même, le premier acte communautaire, la supplique aux Vicaires capitulaires est datée du 25 janvier 1816 et les Vicaires y répondent le 29 janvier en ajoutant le père Maunier dans la liste.
La Congrégation aurait pu choisir de retenir le 2 octobre 1815 comme date de fondation, mais en 1865, le père Fabre demanda que le 25 janvier soit marqué « des plus vifs sentiments de reconnaissance envers Dieu et d’affection envers notre chère Congrégation » xi. Cela montre que dès la fondation, ce ne sont pas des individus un à côté de l’autre qui forment la Société des Missionnaires de Provence, mais une communauté rassemblée au nom du Christ pour vivre de lui et l’annoncer à l’humanité qui nous entoure. Chacun peut porter un regard sur les premiers compagnons d’Eugène de Mazenod qui n’ont pas poursuivi dans l’œuvre voulue par le Fondateur, mais nous n’étions pas à leur place et il est difficile de porter un jugement aujourd’hui. Sans leur présence au début de la Société des Missionnaires de Provence, la Congrégation n’aurait peut-être pas vu le jour.

Les festivités du bicentenaire à Aix

Il y a trois ans, nous avons débuté les célébrations du bicentenaire par un programme de renouveau spirituel vécu par les Missionnaires Oblats. Le bicentenaire fêté à Aix-en-Provence s’inscrit dans cette dynamique. La communauté des Missionnaires Oblats d’Aix-en-Provence, avec les laïcs de la famille Mazenodienne, a prévu un programme de festivités étalées sur l’année 2016, afin de mettre en valeur les différentes figures qui ont contribué à ce qu’est aujourd’hui la Congrégation des Missionnaires Oblats.

Certes le point d’orgue a été les 24 et 25 janvier 2016. Avec la messe à la cathédrale d’Aix-en-Provence le 24 janvier, présidée par Monseigneur Dufour, archevêque d’Aix et Arles, en présence du Supérieur général des Missionnaires Oblats et avec la participation de nombreux Oblats représentant les cinq continents. La célébration s’est terminée par une saynète présentant l’appel des premiers Missionnaires de Provence, préparée par la Frat-Oser et la Frat-Mazenodienne (groupe d’étudiants hébergé dans la maison des Oblats à Aix et des jeunes professionnels de la région aixoise). Le lendemain, le 25 janvier, nous nous sommes retrouvés dans la salle de fondation dès l’aurore pour un temps d’oraison qui est le fondement de la vie missionnaire afin de devenir davantage des ‘disciples-missionnaires’, thème cher au pape François. Certes, tout chrétien est missionnaire dans la mesure où il a rencontré l’amour de Dieu en Jésus Christ ; mais le véritable missionnaire est celui qui ne cesse jamais d’être disciple, il ressent Jésus vivant avec lui au milieu de l’activité missionnaire. De même que la communauté est missionnaire : réuni en communauté autour de celui qui nous rassemble, il nous envoie comme témoins de cette expérience au cœur de notre humanité.
Après l’eucharistie vécue en communion avec l’ensemble de la Congrégation, nous étions rejoints par les invités de cette journée (malades psychiatriques, SDF ou gens du Quart-monde, des personnes que l’on n’invite pas d’habitude) pour un repas partagé dans l’esprit de Saint Eugène et de notre charisme « les pauvres sont évangélisés ». Le repas se clôtura par la plantation d’un olivier que l’on peut mettre en parallèle avec la phrase du pape Jean XXIII : « Le petit rameau, planté par Eugène de Mazenod en 1816, est devenu un arbre vigoureux, étendant ses branches sur deux hémisphères et, qui sait s’adapter aussi bien au climat glacé du Pôle Nord qu’aux chaleurs brûlantes de l’Équateur » xiii. En fin de journée, le Père général inaugura l’exposition du bicentenaire qui a accueilli durant 15 jours près de 800 personnes, dont de nombreux groupes scolaires. Et quel beau programme : se recueillir dans la salle de Fondation où tout a commencé, prier dans la chapelle intérieure, parcourir les différents lieux de la maison d’Aix afin d’y découvrir l’esprit audacieux de notre fondateur, le dynamisme de ses premiers compagnons partis d’abord annoncer la Parole de Dieu dans les villages de Provence, la foi ardente qui animait ces jeunes prêtres dévoués aux plus abandonnés, aux domestiques, aux prisonniers, aux jeunes désœuvrés, la confiance qui habitait ces aventuriers envoyés dès 1841 au Canada puis au Sri Lanka et en Afrique du Sud. Cette exposition qui avait pour thème : « Enflammés de l’amour de Jésus-Christ et de l’Eglise, ils ont le désir d’annoncer l’Évangile aux plus pauvres, pour que ceux-ci puissent connaitre qui est Jésus-Christ et quelle est leur dignité aux yeux de la foi », offrit aux visiteurs d’intenses moments de découverte et d’émotion au cœur du berceau de la Congrégation.

Au long de l’année 2016, un cycle de conférences, où les premiers compagnons, les premiers jeunes à rejoindre la Société, les figures du Père Albini et du Cardinal Guibert sont évoquées. Cela montre que Saint Eugène a reçu l’appel du Seigneur à fonder la Société des Missionnaires de Provence, mais que sans Tempier, Guibert et autres l’œuvre ne serait pas ce qu’elle est aujourd’hui.

Je termine avec les mots d’encouragement du pape François pour notre bicentenaire : « Afin que vous soyez toujours plus fidèles au charisme de votre fondateur, saint Eugène de Mazenod, il vous encourage tous à approfondir votre engagement personnel à Jésus Christ, et à être des hommes qui toujours rendent témoignage de la joie de l’Evangile, « non seulement en paroles, mais surtout par vos vies, transfigurées par la présence de Dieu » (Evangelii Gaudium, 259) xiv.

Benoît DOSQUET, OMI

i Homélie de Monseigneur DUFOUR, archevêque d’Aix et Arles, 24 janvier 2016, Bulletin information OMI 563, février 2016.
ii Document « Identité et Mission du religieux Frère dans l’Eglise » de la Congrégation pour les instituts de vie consacrée et les sociétés de vie apostolique du 4 octobre 2015 ; Article N°21.
iii Lettre circulaire du 25 décembre 1915, dans Circ. adm., III (1901-1921), pp. 277-278.
iv Lettre d’Eugène de Mazenod à l’abbé Henry Tempier, le 9 octobre 1815.
v CC & RR, N°3
vi Fernand JETTÉ, O.M.I. Homme apostolique, 1992, pp. 51-52.
vii Lettre du fondateur au père Tempier, le 13 décembre 1815.
viii Notice nécrologique du père Tempier par le père Fabre.
ix Homélie de Mgr l’Archevêque d’Aix le 7 avril 1864, fête du 50e anniversaire du sacerdoce du P. Tempier.
x Homélie du P. Louis LOUGEN, supérieur général, 25 janvier 2016.
xii Cf. Ecrits Oblats Vol. : 13 – Lettres à divers correspondants sur la Congrégation des O.M.I. pp. 12-14.
xii Joseph FABRE, O.M.I., Circulaire n°15, 19 mars 1865.
xiii Extrait de l’allocution du pape Jean XXIII, le 21 mai 1961, lors de la consécration de 14 évêques, dont Mgr Phakoe O.M.I., du Lesotho.
xiv Félicitations du pape François pour le bicentenaire au Père Louis LOUGEN, par son secrétaire d’Etat, Pietro Cardinal Parolin, Bulletin d’information OMI 563, février 2016.

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